Le livre est notre passion!

Écriture, société et engagement : Laetitia Lakubu Abby ou la parole portée par la plume

Dans le paysage littéraire congolais contemporain, Laetitia Lakubu Abby s’impose avec force et délicatesse, par une plume engagée, imprégnée de lucidité sociale, d’humour subtil et de profonde humanité. Fonctionnaire des Nations Unies, enseignante, journaliste et écrivaine, elle fait partie de cette génération d’intellectuelles dont les mots sondent la société pour mieux la réveiller. Son roman Miroir aux alouettes, publié aux Éditions du Pangolin, interroge sans relâche les fractures sociales, les dérives mystico-politiques et les espoirs brisés d’une jeunesse manipulée. À travers cet entretien, elle nous livre son parcours, ses inspirations et sa vision de la littérature comme levier de transformation.

Une passion précoce, une vocation affirmée

« À l’instar d’Astérix, je peux dire que je suis tombée dedans quand j’étais petite ! », affirme Laetitia Lakubu Abby au sujet de sa passion pour la lecture. Fille d’un couple d’universitaires, elle grandit dans un environnement propice à l’amour des mots et du savoir. La lecture, dès l’enfance, est pour elle un refuge contre le bégaiement et un terrain d’épanouissement. Son panthéon littéraire est vaste, allant de Victor Hugo à Zamenga Batukezanga, de Faïk-Nzuji Clémentine à Mudimbe, en passant par les sagas populaires occidentales : « Les mots, les personnages, les récits, les intrigues… sont les points qui m’attirent. »

Écrire, pour Laetitia, est un acte profondément personnel, un « moment intense de dialogue et d’échange avec moi-même », mais aussi un engagement citoyen. Elle le dit sans détour : « L’écriture représente la joie d’émettre des idées et des émotions, c’est mon autre voix (sans son !) ».

 
 

Entre fiction et analyse sociale : le roman comme miroir

Son premier roman, Miroir aux alouettes, s’ouvre sur un événement dramatique : un suicide collectif. Un choix fort, symbolique : « Le drame est vécu par les spectateurs, pas nécessairement par les acteurs qui eux vivent dans une sorte de transe, de folie et de torpeur… » Par ce biais, elle pointe les dérives sectaires, l’abrutissement organisé de populations vulnérables et l’abandon étatique. Le roman donne la parole à Hilaire, un homme ordinaire, emblématique de cette société kinoise faite d’oubliés, de précaires, de survivants. « J’ai choisi de lui donner une voix parce que notre société est composée des gens ordinaires… vulnérables dans leurs conditions sociales car rendus malléables par la pauvreté. »

L’indépendance, dans ce récit, n’est pas une célébration. Elle devient un lieu de désillusion. « La place de l’indépendance signifie pour moi la place de la désillusion, et donc un endroit propice pour s’ôter la vie, au comble du désespoir. »

Un regard critique, une écriture engagée

Pour Laetitia, la littérature est « un outil puissant de liberté d’expression ». Elle se positionne clairement dans la lignée des écrivains engagés : « A travers ce récit, l’autrice que je suis a voulu joindre sa voix à celle de la société civile… Je parle de l’amour, du conflit des générations, de la condition de la femme, de l’éducation, du mariage. » Elle aborde ces thèmes avec un sens aigu du détail, porté par une documentation sérieuse et une connaissance fine du terrain – elle a été journaliste, enseignante, observatrice attentive de son pays.

Mais l’ambition de l’écrivaine ne s’arrête pas là : elle rêve d’un livre qui « provoquera un débat dans la société… un qui révolterait les cercles divers ». Le changement, pour elle, passe par l’éveil des consciences, par la dénonciation des injustices, mais aussi par la capacité à « se révolter proprement ».

Laetitia Lakubu Abby incarne cette voix rare, lucide et nécessaire, dans une société souvent en proie au silence ou à l’oubli. Avec Miroir aux alouettes, elle ne se contente pas de raconter une histoire ; elle questionne, interpelle et tend un miroir à ses lecteurs. Et si elle rêve encore de vivre de son écriture, elle a déjà su prouver qu’elle pouvait en faire un instrument de lucidité collective : « J’aurais voulu en faire un métier, mais à l’état actuel des choses, ce serait se vouer à une mort certaine… Je caresse sincèrement le rêve d’en faire mon gagne-pain. »

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